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The 1889 Letter from Fr. Duvic, OMI to Fr. Fabre, OMI
 

As noted on the previous page, a unique description of both Archville and the Scholasticate was written in 1889 by an Oblate priest in a letter to his superior. Father Jean-Michel Duvic, OMI, wrote to his Superior General Father Joseph Fabre from Archville on January 29, 1889 describing the surroundings of the Scholasticate and the building itself.

The document was reproduced in "Missions de la congrégation des Oblats de Mazrie Immaculée", No. 105, March 1889, pages 86 to 101. The actual document, in French, can be seen below. A very brief translation of some paragraphs from pages 91-92, pertaining to Archville, are included just below in English.

 

Pages 91 and 92:

"Let's continue our route and head on to this island formed on the left by the Rideau River and on the right by the canal that will soon connect the Ottawa with Lake Ontario.

Barely having left the city we come into Archville, a village of 800 souls, which is like a suburb of Ottawa. Archville is barely coming out of its diapers and pretends to be self-sufficient and walk on its own. Up to that point it was part of Nepean Township. Today it finds itself strong and wise to operate on its own. It has presented to the County Council a petition to become incorporated. That is to have a municipality with its air of independence. Later it will see how much this costs. Truly it grew very quickly. During last summer they raised on the land facing the Scholasticate more than 15 homes. This should not surprise you in that they are made totally out of wood. However, many have a pretty appearance. We have not become acquainted with our new neighbours. It has been said that many of them are Germans that came here to find work in the brickyards that are around us. They belong to the protestant religion. Archville is not more a parish than a commune. The few Catholic families that we meet are attending church the St. Joseph Church of the College whose priest is R. P. Pailler. The protestants have a small brick church in the center of the village."

 

Original Document: (transcribed by Fr. Dubois, Deschâtelets Archivist - 2004)

Province du Canada
Scolasticat d'Archville

Archville, le 29 janvier 1889

Mon révérend et Bien-aimé Père, [Jospeh Fabre o.m.i., sup. général]

Le bienveillant accueil que vous avez fait aux notes que je vous envoyai sur Belcamp-Hall, il y a quelques années, m'encourage à renouveler le même essai sur Archville. Mon premier travail, il est vrai, n'a pas porté bonheur à la résidence qui en était l'objet; la magnifique propriété de Belcamp-Hall est abandonnée, vendue, occupée déjà à l'heure actuelle par un membre irlandais catholique de la Chambre des Communes. Il n'en reste plus pour nous que deux choses: la description insérée dans nos Annales avec les rapports du R.P. Tatin, supérieur, puis un souvenir ineffaçable dans le coeur de tous ceux qui ont goûté les charmes de ce délicieux séjour.

Au temps même de la prospérité de Belcamp, alors que rien dans les conseils des simples mortels ne faisait prévoir une fin si prompte et si lamentable - humanum dico - s'élevait et s'agrandissait de l'autre côté de l'Atlantique un nouveau scolasticat qui, sous plusieurs rapports, pouvait être avantageusement comparé au premier; je veux parler
du scolasticat d'Archville, qui compte aujourd'hui six Pères, quarante-huit Frères scolastiques et neuf Frères convers, beaucoup plus que celui de Belcamp ne pouvait
en contenir. Disons quelques mots sur l'histoire de sa fondation.

Depuis plus de quarante ans, la congrégation des Oblats de Marie Immaculée s'était implantée sur le sol canadien, sol fertile, arrosé des grâces célestes et tout préparé pour la recevoir, car elle y prospéra bientôt et y recruta des enfants nombreux et dévoués. Cependant, elle n'y avait pas encore de scolasticat où elle pût recueillir ces généreux missionnaires et leur permettre de s'y préparer d'une manière plus prochaine à leurs futurs travaux apostoliques. Acheter un terrain et bâtir, c'était sans doute la solution la plus naturelle, mais les ressources de la province avaient été épuisées par la construction du noviciat; envoyer les Frères scolastiques en Europe et à Autun, on le fit pour quelques-uns, mais les frais de voyage étaient considérables et l'exception ne pouvait devenir la règle; on se résolut donc, en attendant mieux, à les placer au collège d'Ottawa, où ils suivaient les cours des élèves laïques s'ils étaient philosophes, et des séminaristes du diocèse s'ils étaient théologiens. On conçoit sans peine tous les inconvénients d'une semblable position, et combien il devait être difficile de former à la vie régulière et au véritable esprit religieux de jeunes frères constamment en rapport avec des séminaristes, quelques bons qu'ils fussent, et surtout avec des collégiens. Au point de vue matériel,
l'installation ne laissait pas moins à désirer, à cause de l'exiguïté du local. Les scolastiques, au nombre de trente ou trente-cinq, avaient à leur disposition des appartements qui n'auraient dû en loger qu'une quinzaine; les santés devaient nécessairement en souffrir et les petites cellules devenaient presque autant d'infirmeries. Cette position fut néanmoins acceptée avec beaucoup de courage et supportée pendant plus de vingt ans, le manque de ressources, je l'ai dit, ne permettant pas de penser à autre chose.

Enfin, le nombre de scolastiques augmentant toujours, le local devint absolument insuffisant. Le R.P. Antoine, qui était alors Provincial du Canada, souffrait cruellement de voir ses enfants bien-aimés dans ce pénible état; comptant sur la divine Providence,
il résolut de bâtir malgré les difficultés; et, puisqu'il fallait bâtir quelque part, on crut avec raison le moment venu de laisser le champ libre aux séminaristes et aux élèves du collège, et de construire un abri séparé pour la couvée trop nombreuse. Le R.P. Gendreau, économe du collège, voulut bien se charger de suivre cette entreprise et de surveiller les travaux. L'emplacement se trouvait naturellement désigné. Le collège possédait sur les bords de la rivière Rideau une propriété sur laquelle on avait construit une gracieuse et vaste maison en bois qui servait de maison de campagne et de but de promenade les jours de congé; cette campagne, visitée fréquemment pendant les premières années, étaient devenue insuffisante pour recevoir les nombreux élèves du collège, et l'administration de cet établissement la céda à la Province pour y construire un scolasticat. La propriété fut régularisée et agrandie par l'achat d'une terre attenante, ce qui fit de tout l'ensemble un carré presque parfait, bordé d'un côté par la route, et du côté opposé par la rivière;
à droite et à gauche par des terrains non habités, sur lesquels on exploite en ce moment des briqueteries.

Dès l'automne de 1883, on commençait à creuser les fondations du futur scolasticat, et l'histoire de ces temps héroïques nous raconte que le R. P. Mangin, modérateur, donna lui-même les premiers coups de pioche en présence de sa communauté. Les Frères scolastiques, entraînés par un exemple venu de si haut, s'armèrent à leur tour de pics et de pelles, se mirent à l'oeuvre avec ardeur, stimulèrent les ouvriers engagés, et firent si bien qu'au printemps de l'année suivante les murs du scolasticat tant désiré sortirent de terre. On comprendra sans peine tout l'intérêt que portaient nos Frères à cet établissement qui les touchaient de si près; on comptait les pierres, on mesurait la quantité de sable, on discutait et, ce qui était plus fâcheux, on ne s'accordait pas toujours sur la valeur des matériaux; chacun faisait ses petites observations, donnait humblement son avis sur les proportions et la disposition des appartements; aucun détail n'échappait à l'examen et à la critique.

Enfin, au mois de septembre 1885, le R. P. Mangin écrivait à ses scolastiques, prenant alors leurs vacances à Maniwaki, que tout était préparé pour les recevoir et qu'ils pouvaient venir prendre possession de leur nouvelle résidence. À cette heureuse nouvelle, on fait à la hâte les préparatifs de départ, les canots sont remis à l'eau et on descend à toute vitesse la rivière Gatineau. Déjà nos voyageurs sont en route depuis trois jours,
ils n'ont plus que 9 milles pour atteindre le terme du voyage; ils font un de leurs derniers portages en suivant la route qui longe la rivière, lorsque tout à coup ils aperçoivent, à quelques distances, la voiture du scolasticat et celle des Pères de Hull, venant au-devant d'eux. Leur joie est à son comble lorsque, arrivés à l'extrémité du portage, ils trouvent sur le bord de la rivière toute une communauté d'Oblats. C'est le R. P. Mangin, jusque là leur modérateur et désormais leur supérieur; les RR. PP. Fayard et Gohiet, arrivés tous deux récemment en Canada, et venant le premier de Belcamp-Hall, le second de Rome; puis, le R. P. Gauvin, l'ami dévoué et un des généreux bienfaiteurs du scolasticat, et le
R. P. Harnois, tous deux de la maison de Hull; quelques Frères scolastiques qui prenaient leur vacances au collège, et enfin plusieurs Frères convers. Se revoir et s'embrasser était pour tous une joie inexprimable; ceux qui ont eu part à ces douces effusions n'en perdront jamais le souvenir. Après avoir pris de nouvelles forces et un peu de repos,
on se remit en marche et on arriva au scolasticat vers le coucher du soleil. Les Frères donnèrent en arrivant une joyeuse accolade à leur nouvel économe, le R. P. Van Laar,
qui les attendait sur la porte de la maison; puis leur première visite fut pour la chapelle. Notre-Seigneur eut sans doute pour agréables les actions de grâces que lui offrirent
ses jeunes Oblats; et, pour les aider à supporter avec courage les petites privations, inséparables d'une nouvelle installation, ce divin Modèle avait voulu leur donner lui-même l'exemple, car la pauvreté régnait dans sa demeure comme dans tout le reste
de la maison.

Mais pendant que nos voyageurs se reposent et admirent les charmes de leur nouvelle habitation, allons, nous aussi, mon révérend Père, faire une visite à ce bel établissement, et permettez-moi de vous servir de cicerone. Nous sommes, je suppose,
au centre de la capitale du Dominion; dirigeons-nous vers le sud-est et suivons cette route qui conduit à Prescott. Avant de sortir de la ville nous laissons à gauche, derrière ces
maisons, le collège avec ses vastes bâtiments et ses zélés professeurs. Si nous entrions, nous aurions là bien des amis à embrasser; mais le temps presse et il nous reste à faire encore un mille et demi. Je vous ai raconté tout à l'heure que nos Frères avaient hâte d'aller habiter le scolasticat d'Archville; cela ne veut pas dire toutefois qu'ils aient quitté collège sans regrets. Oui, ils aimaient et ils aiment encore la maison qui les a vus naître
à la vie religieuse; ils n'oublient pas qu'ils y ont reçu de précieuses leçons de science et de vertu. Malgré la gêne matérielle qu'ils ont eut à y supporter, et peut-être à cause
de cela même, ils y ont goûté bien des joies pures, y ont trouvé des coeurs amis
et de véritables pères, surtout dans la personne du vénéré Père Tabaret, supérieur,
dont ils ont eu si souvent occasion d'apprécier la sagesse et la bonté.

Continuons notre route et avançons dans cette île formée à gauche par la rivière Rideau; à droite, par un canal qui, rejoignant bientôt et longeant cette rivière, fait communiquer l'Ottawa avec le lac Ontario. À peine avons-nous quitté la ville, que nous entrons à Archville, village de 800 âmes, qui est comme un faubourg d'Ottawa. Archville sort à peine de ses langes et déjà il prétend se suffire et marcher seul; jusqu'ici il avait fait partie du Township, nous dirions en France de la commune de Nepeau. Aujourd'hui,
il trouve qu'il est assez fort et assez sage pour se conduire lui-même; il a présenté au conseil du canton une pétition pour se faire incorporer, c'est-à-dire pour avoir une municipalité avec un petit air d'indépendance; il verra plus tard ce que cela lui coûtera.
À vrai dire, il grandit vite; dans le courant de l'été dernier on a élevé, dans les terrains situés en face du scolasticat, plus de quinze maisons d'habitation. Que cela ne vous étonne pas; ces maisons sont petites, entièrement en bois; néanmoins plusieurs ont une assez belle apparence. Nous n'avons pas fait connaissance jusqu'ici avec nos nouveaux voisins; on dit que beaucoup sont des Allemands qui viennent chercher du travail dans les briqueteries qui nous entourent et qu'ils appartiennent à la religion protestante. Archville n'est pas plus paroisse que commune; les quelques familles catholiques qu'on y rencontre vont aux offices à l'église Saint-Joseph du collège, dont le R. P. Paillier est curé;
les protestants ont une petite église en briques au centre du village.

Mais, pardon, mon révérend Père, je vois que je vous fais languir, il vous tarde d'entendre parler du scolasticat; nous y arrivons. Voyez là-bas devant vous, à côté
de ce massif de verdure, ce grand et superbe bâtiment qui s'élève au milieu d'une vaste propriété; il ressemble véritablement à un palais, surtout quand on le compare aux maisonnettes dont je viens de parler. Cette appréciation ne m'est pas personnelle,
c'est celle du R. P. Augier, provincial du Canada. Il nous disait dans sa récente visite canonique : « Je viens de parcourir votre scolasticat, vous habitez un véritable palais. » De la route qui longe tout le front de la propriété, on y arrive par une large avenue d'érables tout nouvellement plantés, qui formeront bientôt, nous en avons l'espoir,
une allée des plus imposantes. La maison présente une belle façade de 165 pieds,
qui comprend le corps principal du bâtiment et ses deux ailes; celles-ci, peu saillantes
sur le devant, se prolongent en arrière à une grande profondeur. La hauteur totale jusqu'au sommet du toit est de 50 pieds. Les murs sont en pierres de tailles équarries, mais non polies, avec leurs joints dessinés en ciment; chaque étage a onze fenêtres de façade, dont trois sont géminées; une au milieu et une à chaque extrémité.
Toutes sont reliées entre elles, près de leur sommet, par un cordon de pierre en saillie.
Le toit est très orné; il est à coupes diverses, élevé et à mansardes. Chaque fenêtre de mansarde est couronnée d'un fronton triangulaire, et le fronton en pierre qui surmonte
la fenêtre géminée du milieu, supporte un petit clocheton très gracieux et très élancé,
dont la flèche se termine par une croix en fer. Dans ce clocheton est suspendue une cloche du poids de 525 livres qui prévient, cinq minutes à l'avance, de la fin de la récréation et annonce aux environs l'heure de l'Angelus. Des crêtes en fer doré courent
le long des arêtes de la toiture. Cette haute toiture, avec sa forme si variée, reposant
sur une corniche en fer à volutes, avec ses ardoises à diverses couleurs, le zinc qui en recouvre le sommet, son clocheton, ses crêtes dorées, a un aspect vraiment monumental et produit, surtout de loin, un effet très pittoresque.

Peut-être un homme d'un goût difficile trouverait-il quelque chose à redire à l'orientation de la maison. Elle a sa façade principale tournée à l'ouest, inclinant un peu vers le sud; peut-être a-t-on voulu se ménager une vue sur la ville et les sommets du Parlement, sans penser que de ce côté viennent les vents les plus violents et les plus froids. Ne nous arrêtons pas trop non plus à considérer le perron en bois, ni la principale porte d'entrée, l'architecte n'y a pas laissé les preuves de son talent. Hâtons-nous de pénétrer à l'intérieur et de constater comme il est spacieux et commode, tout inondé d'air et de lumière. Dans le sens de la façade, tous les étages sont divisés par un corridor de même longueur qu'elle, c'est-à-dire 165 pieds, sur 8 pieds de largeur, et éclairé à chaque extrémité par une fenêtre. Au rez-de-chaussée, qui a une hauteur de 14 pieds, se trouvent un salon et un parloir, la chambre des Frères tailleurs, les appartements du R. P. économe et quatre salles, dont trois servent de salles de classe. Toute l'aile du côté sud, à partir du grand corridor, est occupée par la salle d'étude, qui a 70 pieds de long et 30 de large.
À l'aile du [côté] nord est la chapelle, dont la voûte surbaissée s'élève jusqu'au dessus
du premier étage; une tribune au-dessus de la porte d'entrée peut contenir de quarante à cinquante personnes. Les trois autels sont en bois sculpté, peint et doré, chacun surmonté d'une niche et d'une statue. Le maitre-autel est dédié au Sacré-Coeur; les deux autres à la Sainte-Vierge et à saint Joseph, qui est le patron du scolasticat auquel il a donné son nom. Le chemin de croix est bien, soit pour les peintures, soit pour les encadrements.
Les six vitraux viennent de l'ancienne chapelle Saint-Pierre de Montréal; ils nous rappellent les principaux protecteurs du scolasticat : le Sacré Coeur de Jésus, le Sacré Coeur de Marie, saint Joseph, saint Liguori, saint François-Xavier et sainte Thérèse.

Les bancs et les boiseries sont d'une grande simplicité, comme du reste l'intérieur de la maison; tout y est conforme à l'esprit religieux, je veux dire que tout y est simple
et convenable. La sacristie est au fond de la chapelle, derrière le maitre-autel; elle est divisée dans sa hauteur en deux étages. Les dimensions de la chapelle sont de 70 pieds sur 30; les fenêtres, de forme gothique, ont 18 pieds de hauteur. Deux larges escaliers, situés presque à chaque extrémité du corps de bâtiment, jusqu'au sous-sol; ils sont en bois dur et, en cas d'incendie, il serait impossible qu'au moins l'un des deux ne fût pas accessible.

Au premier étage, haut de 12 pieds, les chambres des Pères occupent un côté
du corridor, celui de la façade; du côté opposé est l'infirmerie, communiquant avec
la tribune de la chapelle et quatre chambres qui peuvent recevoir des malades ou des étrangers; deux autres salles à chaque coin servent, l'une d'atelier de reliure, l'autre
de bibliothèque. À l'aile du sud et au-dessus de la salle d'étude, se trouve la salle
des exercices; ces deux salles ont absolument les mêmes dimensions.

Si nous montons au second étage, dont la hauteur est de 13 pieds et demi, nous y verrons les dortoirs de nos Frères scolastiques : huit chambres à un seul lit, réservées aux plus anciens, et quinze autres plus grandes, dont chacune peut contenir quatre lits; ces dernières ont en moyenne 21 pieds sur 17. En outre, au-dessus de la chapelle, s'étend
une autre grande salle de 80 pieds sur 30, où est aujourd'hui la lingerie; on pourrait facilement, si cela devenait jamais nécessaire, transporter la lingerie ailleurs, et avoir
un dortoir pour trente Frères.

Le réfectoire est dans le sous-sol, sous la chapelle et la sacristie; il a 80 pieds sur 30 de large; de même que toutes nos grandes salles du rez-de-chaussée et du premier étage, il est éclairé de trois côtés et par dix fenêtres; celles du rez-de-chaussée ont 10 pieds de hauteur. Outre le réfectoire, le sous-sol contient une belle et grande cuisine avec ses dépendances, une salle à manger pour les étrangers, des chambres, un dortoir et une salle de réunion pour les Frères convers; une serre, et enfin une salle de récréation aussi vaste que la salle d'étude. La hauteur du sous-sol est de 10 pieds. Une galerie en bois,
du côté est de la maison, entre les deux ailes, nous offre un abri pour nous promener
les jours de dégel ou de pluie, et nous permet de respirer le grand air en tout temps.

Du même côté de la maison et à quelques pas, vous voyez un petit bâtiment près duquel une immense cheminée en briques s'élance à 80 pieds de hauteur; c'est de là que nous vient le secret de supporter avec la plus grande facilité les rigueurs de l'hiver; deux chaudières nous y préparent à toute heure du jour, même de la nuit, et nous envoient une chaleur bienfaisante sous forme de vapeur. Ce système de chauffage à la vapeur, avec
de légers inconvénients, a certainement de grands avantages : il n'offre aucun danger d'incendie; il est très propre et surtout très prompt. Le Frère chauffeur tourne une clef, ouvre un passage à la vapeur; en quelques minutes, elle a fait le tour de la maison
dans les tuyaux de fer qui l'emprisonnent, et chauffé tous les appartements.

Est-ce à dire que le froid soit rigoureux au Canada? Oui et non. Oui, si on regarde le thermomètre qui descend parfois jusqu'à 30 degrés centigrades. Non, si on considère
la température moyenne de l'intérieur de la maison. Avec ses murs épais, revêtus intérieurement d'une légère cloison détachée du mur, avec ses doubles portes et ses doubles fenêtres, j'ose dire, sans exagération, qu'on y souffre plus souvent de la chaleur que du froid. Même au dehors, si on a la précaution de se bien couvrir, on ne souffre pas davantage; certainement moins que dans beaucoup de parties de la France où le froid est humide. Au Canada, il est très sain; les jours de grand froid y sont aussi les jours où le ciel est pur, le soleil plus radieux; j'avoue que mon imagination m'avait fait entrevoir tout autre chose et que je m'étais préparé à de plus durs sacrifices. Ajoutez à cela qu'on prend plus d'exercice en hiver qu'en été, que nos distractions sont plus variés; aussi est-ce avec plus de plaisir que de terreur que nous voyons revenir chaque automne la neige
et les frimas. Sans parler d'une pompe ordinaire, qui nous fournit d'excellente eau potable, deux autres pompes nous alimentent d'une eau toujours abondante, qu'elle puise dans la rivière. L'une, à quelques distances de la maison, élève orgueilleusement dans les airs, à une hauteur prodigieuse, sa roue à palettes blanches et légères; elle n'obéit qu'à son caprice; mobile comme une girouette, elle ne marche qu'au souffle du vent. L'autre,
à vapeur, occupe un tout petit espace dans le bâtiment des chaudières; elle se dissimule
sous une sorte de caisse qui, au besoin, peut servir de siège; modeste, active, puissante, infatigable, elle se met en mouvement au moindre signe du chauffeur et fait, en deux heures de travail, ce que la première n'accomplit qu'en un jour. Image du bon scolastique : humble, studieux, persévérant, il travaille en silence, obéit avec promptitude, se laisse diriger et façonner sans résistance; il obtient, en peu de temps, des résultats que d'autres, s'ils ressemblent à la première pompe, ne pourront obtenir qu'après des années, si jamais ils les obtiennent.

Le quartier de la propriété le plus aimé et le plus fréquenté est, sans contredit, celui qui borde la rivière Rideau sur une longueur de 500 mètres environ. Cette rivière se jette, un peu plus bas, dans l'Ottawa, où elle tombe à pic, comme une nappe blanche, ce qui lui a fait donner ce nom de Rideau. Elle coule du sud au nord, vient de la direction du lac Ontario, et, sur les bords de notre propriété, elle est calme et tranquille comme un lac, large de 330 pieds sur 20 de profondeur. Cette magnifique pièce d'eau nous procure des bains à volonté pendant la saison chaude, sans fatigue et sans perte de temps; pendant l'hiver, elle se couvre, dès les premiers froids, d'une épaisse couche de glace, sur laquelle nos patineurs déploient tous les prodiges de leur souplesse et de leur habileté. Comme elle est à moins de 100 mètres de la maison, en contre-bas d'une quinzaine de mètres,
il est possible d'y passer le temps de la récréation. En été, nous mettons à l'eau nos canots d'écorce, pour nous exercer à la manière de voyager dans les missions du Nord-Ouest. Puis, pendant les vacances, lorsque la promenade dure tout le jour, c'est sur le canal qu'on s'embarque avec les provisions; là point de rapides comme sur la rivière, seulement quelques écluses, qui ne nécessitent que des portages courts et faciles, avec une eau toujours tranquille, sur laquelle on ne s'expose à aucun danger. Quel charmant coup d'œil de voir glisser sur l'eau cette petite flottille pacifique de sept ou huit canots d'écorce, dont chacun est monté par quatre, six et jusqu'à douze rameurs; tous frappent l'eau et le canot de leur petite rame, en cadence et au chant de quelque pieux cantique. Quelle joie et quel plaisir, lorsque, arrivé au lieu de rendez-vous, on allume le foyer,
on dispose les casseroles, on prépare la poêle à frire! Quel honneur, ce jour là, que celui d'être marmiton! Et s'il arrive qu'on ait obtenu la permission d'emporter les tentes,
de les dresser et de camper pour la nuit, alors c'est la réalisation des plus beaux rêves
que l'on ait formés pour les vacances.

La propriété du scolasticat forme un carré de 1200 pieds de côté, ce qui donne une contenance de 44 arpents ou 13 hectares. Le terrain est assez productif, quoique avec peu de profondeur: à moins de 1 pied on rencontre l'argile presque partout. Le jardin est vaste;s'il était entouré de murs, divisé par des allées larges et bien entretenues, ce pourrait être un beau jardin; plus loin, un petit bois d'un peu plus de 1 hectare, planté d'érables
et de pins, nous fournit un ombrage très apprécié pendant les chaleurs de l'été.

Quels sont ces deux bâtiments en bois que nous apercevons à gauche
de la maison? Le premier et le plus rapproché, avec sa toiture originale, est assez reconnaissable avec ses petites lucarnes, à sa grande porte cochère, aux immondices qui l'avoisinent, d'autant plus que vous le voyez du côté le moins présentable; vous l'avez déjà deviné, c'est l'écurie avec ses engrangements. Est-ce bien sa place, direz-vous,
et n'est-elle pas la première chose qui, après la maison, attire les regards en arrivant
au scolasticat? Oui, sans doute, aussi croyez, mon révérend Père, que nous avons eu plusieurs fois la pensée et le désir de la transporter ailleurs. Seulement, ce serait une dépense considérable, et nous ne sommes pas en état, pour le moment, de la supporter.
En attendant, nous déroberons de notre mieux cette vilaine écurie aux regards de nos visiteurs; nous avons déjà planté quelques arbres qui la cacheront en partie.

L'autre bâtiment en bois est beaucoup plus grand et plus gracieux que le premier; nous l'appelons la Maison blanche à cause de sa couleur extérieure; il a une longueur de 140 pieds sur une largeur de 28, et se compose d'un bâtiment principal, au milieu, à peu près carré. Cette partie centrale présente un rez-de-chaussée, un premier étage et des mansardes; à droite et à gauche se prolongent comme deux appendices n'ayant que le rez-de-chaussée et, par suite, beaucoup moins élevés que le bâtiment du milieu.
Ces appendices nous donnent deux grandes salles, dont l'une sert de salle de récréation, et l'autre, de décharge. Dans la partie centrale de la Maison blanche, il y a plusieurs appartements inhabités et en mauvais état. Le R. P. Tabaret, dont le souvenir est toujours vivant ici dans le cœur de ceux qui l'ont connu, avait arrangé cette maison avec beaucoup de soin, ainsi que la cour au milieu de laquelle elle se trouve; il y avait dessiné des parterres, tracé des chemins, planté des arbres de choix; il avait entouré cette cour d'une haie de thuyas communs, qu'on appelle ici cèdres rouges. De cette maison, une allée bordée d'ormes conduit à la route qui longe la propriété.

Non loin de la cour de la Maison blanche, s'élève une autre maison en bois,
de modeste apparence; c'est la demeure de notre fermier; elle n'a rien qui mérite
notre attention.

Ne quittons pas Archville sans faire une visite à nos chers défunts; ils reposent dans un coin retiré et silencieux du petit bois, malheureusement un peu loin de la maison, surtout en hiver; ce cimetière se trouvant là depuis longtemps, nous ne voudrions le changer que pour le mettre dans un endroit plus convenable, et nous ne l'avons pas encore trouvé. Au milieu du cimetière, commun à nos Pères du collège et de Hull comme à nous, s'élève une grande et belle croix en fer, que l'on avait eu dessein de placer d'abord au sommet de l'église de Hull; elle se trouva trop petite, paraît-il, et nous fut gracieusement offerte par nos Pères qui desservent cette paroisse. Dans ce champ de repos, dorment de leur dernier sommeil les P. Déléage et Bennet; les FF. scolastiques Besson, Ward, Dumay, et le F. convers Cooney. Requiescant in pace!

En terminant, mon révérend Père, je vous prie de me pardonner la pâleur de mon récit; j'ai tenu, avant tout, à vous donner une idée exacte, au point de vue matériel, de ce beau scolasticat d'Archville, dont la Congrégation tout entière, et la Province du Canada en particulier, a raison d'être fière. C'est à cette province, en effet, que nous devons cet établissement.

C'est elle qui l'a fondé, qui a rendu possible l'exécution de cette œuvre grandiose en répondant avec générosité par des dons en argent ou en nature à l'appel que lui avait adressé le R. P. Antoine, alors Provincial. Aujourd'hui encore, quoique le scolasticat soit sous la direction de l'Administration générale, les Pères de la province continuent à s'intéresser à cet établissement; plusieurs d'entre eux, que nous regrettons de ne pouvoir nommer ici, nous en ont donné d'éclatants témoignages; nous murmurons tout bas lorsque nous adressons à Dieu nos prières pour nos bienfaiteurs. Ils se rappellent
sans doute que tôt ou tard ils trouveront ici ceux qui doivent les aider ou leur succéder dans les travaux auxquels ils se consacrent avec tant de dévouement.

En résumé, le scolasticat d'Archville est une maison très belle à l'extérieure, vaste et commode à l'intérieur, et on peut y trouver de la place pour près de cent scolastiques, sans empiéter sur le local réservé aux Pères, aux Frères convers et aux étrangers; si les terres qui l'entourent laissent encore à désirer, soit pour le nivellement, soit pour les allées et les plantations, il n'y a rien qui étonne quand on sait ce qui était à faire, et qu'on songe au peu de temps écoulé depuis l'installation du scolasticat; mais nous espérons faire quelque chose chaque année, et peu à peu nous arriverons, si Dieu le veut, à nous donner un extérieur respectable, tout en demeurant dans les limites de la modestie et de la gravité qui conviennent à des religieux.

Veuillez me croire, mon révérend et bien-aimé Père, votre enfant très humble et tout dévoué en Notre-Seigneur et Marie Immaculée.

[Jean-Michel] Duvic, o.m.i.


[Paru dans : Missions de la congrégation des Oblats de Marie Immaculée,
no. 105, mars 1889, pp. 86-101]

 
 
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